Parution du décret tertiaire : une étape intermédiaire sans surprise

Le décret tertiaire issu de la loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ELAN) est paru jeudi dernier au Journal Officiel suite à des mois de concertation avec les acteurs du secteur, dont le GIMELEC. Celui-ci vient définir les objectifs de réduction de consommation énergétique dans le tertiaire. Pour rappel, un premier décret issu de la loi Grenelle 2, qui a été annulé en juillet 2017, posait les objectifs de rénovation énergétique notamment pour les bâtiments tertiaires qui devaient être rénovés avant le 1er janvier 2020.

La publication de ce texte réglementaire vient donc à point nommé avec la révision de la directive européenne sur la performance énergétique des bâtiments qui impose notamment aux Etats Membres d’élaborer une stratégie nationale de long terme de rénovation énergétique des bâtiments publics et privés afin de soutenir un parc immobilier décarboné et à grande efficacité énergétique d’ici 2050.

 

Les dispositions du décret tertiaire

 

Dans la continuité de la loi ELAN, le décret vient préciser le champ d’application des obligations pour toutes parties d’un bâtiment ou bâtiment exerçant une activité tertiaire sur une surface plancher supérieur ou égale à 1 000 m² . Le précèdent décret mentionnait un seuil de 2 000 m². Cet ajustement était donc indispensable afin d’embarquer la majorité du parc tertiaire pour ajuster la trajectoire et permettre à la France d’atteindre ses objectifs, à la fois nationaux et européens, de réduction de la consommation énergétique.

Le décret introduit également la dimension carbone puisque le changement de type d’énergie utilisée ne doit entrainer aucune de dégradation du niveau de carbone sans pour autant valoriser (comme l’avait déjà tranché la loi ELAN) la production d’électricité issue des énergies renouvelables dans le bilan énergétique, à l’heure où la France est en retard sur ces objectifs de diversification du mix énergétique.

Concernant le chapitre des sanctions, celui se décompose en deux étapes. En premier lieu, la méthode du« name and shame » a été retenue. Celle-ci consiste à publier le nom des sites qui ne respecteront pas les obligations.  Ainsi, les assujettis n’ayant pas établi un programme d’actions visant à respecter leurs obligations, suite au manquement, verront la publication des mises en demeure sur le site internet de la préfecture. Puis si aucune action corrective n’est entreprise, l’autorité administrative peut prononcer une amende de 1 500 euros pour les personnes physiques et 7 500 euros pour les personnes morales.  Aux yeux de certains acteurs, ces sanctions seront d’une efficacité relative face à la lourdeur de la procédure administrative et la faiblesse des sanctions. Le mécanisme repose donc essentiellement sur la bonne volonté des assujettis.

 

Un arrêté, toujours en cours d’élaboration, qui viendra rendre opérationnel les mesures

 

Le décret qui entre en vigueur le 1er octobre 2019 doit s’accompagner de la parution de l’arrêté qui permettra la mise en place effective des dispositions de la loi ELAN.

Le texte législatif précise les seuils de réduction de la consommation énergétique de 40% en 2030, 50% en 2040 et 60% en 2050 par rapport à 2010 et renvoie à l’arrêté pour fixer les seuils de performance en énergie finale en fonction de la consommation énergétique des bâtiments nouveaux de la même catégorie. Cette deuxième option pour l’atteinte des objectifs sera la solution adoptée majoritairement par les acteurs ayant déjà entrepris des actions d’amélioration de la consommation énergétique.

L’arrêté viendra également préciser les modalités de dérogation à l’atteinte des objectifs notamment pour les durées de retour sur investissement au-delà desquelles les coûts des actions  destinées à l’atteinte des objectifs (adaptation des locaux à un usage économe en énergie, dispositifs de contrôle et de gestion active des équipements, etc.) sont disproportionnés.

Concernant la plateforme de suivi, les modalités d’exploitation, de capitalisation et de restitution de leur exploitation restent à préciser. Celui-ci constituera l’outil de « surveillance » pour vérifier les trajectoires de consommation des assujettis. Dans la version intermédiaire de ce décret, il était prévu que la plateforme soit consultable à des fins de recherche et d’analyse des consommations d’énergie dans le secteur tertiaire. Il serait souhaitable que ces mesures se retrouvent dans l’arrêté afin de permettre d’identifier les gisements d’économie d’énergie dans le secteur.

 

Une réglementation européenne qui reste à transposer pour le tertiaire

 

La directive performance des bâtiments prévoit des obligations de moyen pour une meilleure maitrise de la demande énergétique et aborde à plusieurs reprises l’enjeu d’un meilleur pilotage de l’énergie dans les bâtiments afin de consommer moins et mieux.

Les articles 14 et 15 exigent ainsi la mise en place de systèmes d’automatisation et de contrôle pour l’ensemble des bâtiments (BACS) non résidentiels d’ici 2025 pour leur système de climatisation et/ou de chauffage.  En effet, ces derniers permettront de détecter les pertes d’efficacité des systèmes techniques et d’informer la personne responsable des installations ou de la gérance technique du bâtiment des possibilités d’amélioration de l’efficacité énergétique. Ces mesures qui doivent être transposées avant le 30 mars 2020, feront l’objet d’une ordonnance suite à la publication de la loi énergie-climat.

Pour permettre la bonne tenue des engagement ces dispositions doivent être intégrées dans la philosophie du décret tertiaire. De même, les modulations des objectifs prévues, en raison des investissements dans les actions envisagées, ne doivent pas venir réviser à la baisse les ambitions de réduction de la consommation énergétique du parc tertiaire.

Le GIMELEC apportera son expertise sur ce sujet et contribuera aux suites des réflexions qui auront à la rentrée sur l’arrêté et le guide d’accompagnement pour éclairer la profession sur les actions à entreprendre pour atteindre les objectifs. A cet effet, le GIMELEC et ses partenaires ont produit un livrable, afin de mieux appréhender les opportunités en matière d’efficacité énergétique.

 Ces éléments pourront venir alimenter le guide officiel d’accompagnement qui présentera les voies qui s’offrent aux propriétaires et exploitants afin de faire rimer objectif de résultat et mise en place de moyen réel pour atteindre les cibles mentionnées dans les textes réglementaires.