Surveillance de marché : un enjeu industriel, social et environnemental
La libre circulation des biens constitue l’un des piliers de l’Europe. Pour le construire, elle a peu à peu introduit des exigences communes sur un nombre de produits et équipements de plus en plus nombreux. Les industriels du GIMELEC sont désormais concernés par des règles touchant, entre autres, à la sécurité électrique, aux substances polluantes ou dangereuses, à l’efficacité énergétique ou encore aux déchets.
A l’image du code de la route, ces exigences ne peuvent se concevoir sans « une police », ou autorité de surveillance, pour les faire respecter. Et c’est là que le bât blesse : si les règles sont communes au niveau européen, il est de la responsabilité de chaque Etat de s’assurer de leur respect.
Des autorités françaises nombreuses et mal financées
Pour les adhérents du GIMELEC deux ministères sont aujourd’hui en responsabilité : le ministère de la transition écologique et le ministère de l’Économie et des Finances, auxquels il faut ajouter l’Agence Nationale des Fréquences pour la directive équipements radio. Un nouveau niveau de complexité apparait ensuite au fur et à mesure des textes européens que l’on considère : selon l’équipement, un industriel peut avoir 4, 5 voire 6 administrations « de tutelle » différentes(1).
A cette complexité vient s’ajouter une baisse chronique des budgets alloués à ces activités au sein des ministères. Très peu de données sont aujourd’hui disponibles au niveau national. Au niveau européen, entre 2010 et 2013, la Commission a constaté une baisse moyenne de 7% du budget alloué par les Etats aux activités de surveillance ainsi qu’une baisse de 2,5% des effectifs. Cette dynamique, ancienne, reste probablement d’actualité.
Des impacts concrets
Cette difficulté à faire respecter les règles du marché commun n’est pas sans conséquence que ce soit pour l’Etat et les collectivités, les consommateurs et les industriels. On pense notamment à :
– L’achat de produits dangereux lié au non respect des règles de sécurité électrique ;
– La pollution environnementale liée au non respect des directives ROHS ou REACH ;
– La surconsommation énergétique liée au non respect des règles d’écoconception et/ou d’étiquette énergie.
Pour les manufacturiers, les coûts du respect des règles sont en moyenne estimés par la Commission européenne à 0,48% du chiffre d’affaires d’une entreprise. A cet investissement conséquent doit s’ajouter le manque à gagner des ventes captées par les tricheurs (entre 5 et 10% selon certaines estimations).
Avec le développement très rapide des plateformes de e-commerce, d’abord dans le B2C puis désormais dans le B2B, ces phénomènes sont amenés à s’accentuer.
La réponse récente de l’Europe
Consciente de ces problèmes, la Commission européenne a publié le 20 juin 2019 le règlement « sur la surveillance du marché et la conformité des produits »(2).
Plusieurs avancées sont à saluer :
– La possibilité de partenariats publics-privés en matière de surveillance de marché ;
– La création d’outils européens permettant une meilleure coopération entre Etats ;
– Un meilleur cadre régulatoire pour les autorités de surveillance ;
– L’obligation pour chaque Etat de définir une stratégie en matière de surveillance de marché ;
– De nouvelles obligations et responsabilités pour les plateformes de e-commerce.
Et la France dans tout ça ?
Alors que gouvernement s’apprête à légiférer en matière d’économie circulaire et à imposer de
nouvelles exigences en la matière, le sujet clé de la surveillance de marché n’émerge toujours pas.
Pourtant, instaurer de nouvelles règles sans investir dans le contrôle de leur respect, c’est amplifier le problème de concurrence déloyale et ses conséquences négatives qui sont déjà constatées : moins d’économie d’énergie, moins de circularité matière, moins de recette pour l’Etat, moins d’emploi.
L’obligation faite à la France de définir une stratégie en matière de surveillance est une opportunité d’ouvrir en grand ce dossier dont les chantiers ne manquent pas : convergence vers un guichet unique pour les industriels et les consommateurs à l’image de ce que l’Etat doit faire au niveau européen, financement à la hauteur des enjeux, mécanisme dissuasif de sanctions, name & shame, etc.
L’occasion peut-être aussi d’ouvrir le débat sur la notion de subsidiarité : avoir des règles européennes et déléguer l’ensemble des contrôles aux Etats ne fait pas forcément sens pour un marché commun comme celui de l’Europe !
Mettre de l’argent dans le respect des règles ne constitue pas un coût : c’est un
investissement rentable pour l’Etat, l’environnement, l’industrie et les consommateurs !
(1) https://ec.europa.eu/docsroom/documents/34242
(2) https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:32019R1020&from=EN