Consultation PPE & SNBC : la réponse du GIMELEC

Les adhérents du GIMELEC sont au cœur des actions d’électrification et de décarbonation et sont donc particulièrement concernés par la future stratégie française énergie-climat.

La PPE doit mieux refléter le rôle central de l’électrification dans la décarbonation

L’enjeu majeur de l’électrification apparait dès les premières pages du projet de PPE : la figure 1 illustre ainsi le défi de passer de 27 (2022), 34 (2030), 39 (2035) puis 54% (2050) de part du vecteur électricité dans la consommation finale d’énergie. Clé de voute de la décarbonation, elle devrait ainsi constituer l’un des fils rouges autour duquel devrait s’organiser la PPE. Il n’en est malheureusement rien : face à sa logique transversale, le document adopte une approche silotée. Il en découle par la suite des politiques publiques à son image : l’objectif n’est jamais d’augmenter le taux d’électrification, ce dernier étant simplement un coproduit positif dont on espère qu’il sera important. Cette approche, et ses conséquences, sont génératrices d’inefficacité et mettent en risque l’atteinte de nos objectifs de décarbonation.

Portrait Joël Vormus - Directeur Affaires Publiques & Délégué Data Centers du GIMELEC« L’apparition de la flexibilité dans le projet de PPE, dont le GIMELEC se félicite par ailleurs (voir ci-après), est un exemple des limites de cet exercice : ce sujet très transversal lie par nature les sujets de consommation, de transport et de distribution ainsi que de production d’électricité. Le projet de PPE associe par défaut la flexibilité à la sécurité d’approvisionnement ce qui est à la fois réducteur et peu satisfaisant. Le GIMELEC soutient donc une réorganisation du document autour de deux piliers principaux : l’électrification et la sortie des énergies fossiles. »

Joël Vormus – Directeur Affaires Publiques du GIMELEC

Concernant la sortie des énergies fossiles, elle a un seul objectif : sortir d’une approche historiquement silotée en faveur d’une vision systémique. Elle est en effet indispensable à la mise en cohérence de la politique publique dans son ensemble, que ce soit dans les discours comme dans les cadres législatif, fiscal ou réglementaire.

L’industrie des réseaux électriques, une quasi-absence difficile à expliquer

Avec le nucléaire, les réseaux électriques sont l’un des secteurs de la transition énergétique à présenter un tissu industriel historique en France et mondialement reconnu pour sa qualité (usines de fabrication de transformateurs, relais, disjoncteurs, automates, matériels de ligne, boîtiers, postes béton, câbles, outillages de sécurité, connectique…). Il est important de noter que la demande en matériel de réseaux électriques est partout en forte augmentation. Le Grid Action Plan de la Commission Européenne estime que les investissements dans les réseaux électriques doivent atteindre au moins 584 milliards d’euros dans les 10 prochaines années, avec une part substantielle dans les réseaux de distribution. Plus de 40% des réseaux électriques en Europe sont vieillissants et doivent être renouvelés, en plus des efforts de raccordements des ENR et des nouveaux usages.

En France, les investissements cumulés de RTE et ENEDIS d’ici 2040 devraient dépasser les 200 milliards d’euros, financés par le Tarif d’Usage des Réseaux Publics d’Électricité (TURPE). Sur ce montant, 25 à 30% de ce montant est constitué des matériels électriques dont les fabricants sont encore aujourd’hui très majoritairement français et européens.

Une nécessaire stratégie industrielle française doit être consolidée pour maximiser les retombées économiques et en emploi au niveau du pays, mais également sécuriser l’accès aux ressources humaines, industrielles, financières et minières indispensables au renforcement croissant de nos infrastructures électriques.

Le GIMELEC ne peut dès lors que regretter la place extrêmement réduite laissée dans le document à cet enjeu majeur. A titre illustratif, la filière industrielle des énergies renouvelables fait l’objet de plusieurs actions dédiées (ACTION ENER ELEC.1, ACTION PV.2, ACTION ENER MAR.2, etc.) alors que celle de l’industrie des réseaux électriques fait l’objet d’à peine une ligne p125, elle-même incluse dans une action relative à la planification des réseaux.

Cette asymétrie de traitement de la part des pouvoirs publics ne laisse pas d’interpeller alors que les scénarios officiels prévoient autant d’investissement dans le nucléaire, les EnR et les réseaux électriques et qu’une base industrielle en France préexiste.

La prochaine PPE doit se donner un objectif de déploiement des BACS

Le Décret BACS (Building Automation and Control Systems) impose la mise en place d’un « système d’automatisation et de contrôle des systèmes techniques des bâtiments », appelé aussi système de pilotage de l’énergie, BACS ou système GTB. Il s’applique dès maintenant aux sites tertiaires neufs dont la puissance nominale du chauffage et de climatisation est supérieure à 70 kW, et, pour les sites existants, à partir de 2025 quand cette puissance est supérieure à 290 kW, et 2027, supérieure à 70 kW.

Cette obligation de moyen constitue de facto la première étape quasi obligatoire à franchir dans le cadre des objectifs de résultats du décret tertiaire. Force est pourtant de constater qu’au-delà de la stricte publication des textes réglementaires, la force publique s’est peu engagée sur le sujet, ne serait-ce que pour tenter de connaitre l’état de l’existant. Le GIMELEC s’est donc mobilisé pour publier “l’Observatoire national du déploiement des BACS – 2024”, mis aujourd’hui à la disposition de l’administration et de la filière. Réalisé avec le concours de Coda Stratégies, des adhérents du GIMELEC et de multiples acteurs du monde de l’immobilier tertiaire public et privé, cet observatoire apporte plusieurs enseignements utiles. On notera en particulier qu’au rythme d’équipement des sites observé depuis 2017 (scénario « continuité »), 1 site tertiaire sur 5 sera équipé en 2027, le décret BACS imposant en 2027 … 100% des sites.

La PPE doit donc impulser une politique volontariste de déploiement des BACS : le GIMELEC propose ainsi d’introduire dans le document un objectif ambitieux mais atteignable de 100 000 BACS en 2030. Avec un tel scénario, 50% des sites tertiaires assujettis au décret BACS seront équipés en 2030.

Accélérer sur le déploiement des BACS sera non seulement bénéfique en matière de maitrise de l’énergie (9 à 15 TWh d’économie d’énergie annuelle) mais également en matière de flexibilité énergétique si ces BACS sont “Flex Ready”(voir ci-après) avec alors jusqu’à 6 GW de gisement atteignable.

La flexibilité, une priorité nouvelle et supplémentaire du système électrique

Le GIMELEC salue l’importance accordée à la flexibilité dans le projet de PPE. Le GIMELEC travaille en effet depuis près de 15 ans pour un passage de la théorie à la pratique en matière de flexibilité, et désormais à sa massification :

  • Coopération avec les pouvoirs public lors de la crise énergétique de 2022 pour la mise en œuvre de l’obligation faites aux groupes électrogènes de plus de 1 MWe de formuler une offre sur le mécanisme d’ajustement. Ces travaux sont complétés actuellement par l’étude du « merit order» CO2 des moyens de pointe comparés à la performance du parc installé de groupes électrogènes ;
  • Publication du livre blanc « Contribution des data centers français à la flexibilité du système électrique »[1]. En effet, conséquence logique de l’explosion des usages du numérique, le parc de data centers est en forte croissance, et ce secteur est devenu une industrie électro-intensive. Cependant, le data center a une chance peu commune : celle d’avoir à sa disposition de nombreux leviers technologiques susceptibles de créer de la flexibilité.
  • Création de la méthodologie GOFLEX permettant à tout gestionnaire de bâtiment d’évaluer simplement le potentiel de flexibilité de ce dernier[2];
  • Mise à disposition de ladite méthodologie et de la marque associée au groupement RTE & la FNCCR qui ont lancé la plateforme « GOFLEX ». Ce « bon coin de la Flex » permet aujourd’hui aux gestionnaires de bâtiment de poster leur étiquette GOFLEX et d’être contactés par un ou plusieurs agrégateurs à la recherche de flexibilité. L’outil permet d’accélérer et faciliter le déploiement de la flexibilité[3].
  • Contribution au lancement du « baromètre des flexibilités de la consommation électrique »[4] publié en coopération avec RTE, ENEDIS, Think Smartgrids et IGNES
  • Création de la marque « Flex Ready », qui définit une cadre de référence visant à assurer la bonne communication entre les opérateurs de réseau et les bâtiments tertiaires (via les BACS) afin que ces derniers contribuent aux efforts de flexibilité électrique

Le GIMELEC appelle donc les pouvoirs publics à accompagner cette dynamique en incluant un objectif de 100 000 BACS, majoritairement Flex Ready, en 2030 dans la prochaine PPE.

[1] Contribution des data centers français à la flexibilité du système électrique | GIMELEC

[2] GOFLEX : le nouvel indice de flexibilité énergétique des bâtiments | GIMELEC

[3] Plateforme GOFLEX – La flexibilité énergétique

[4] Baromètre des flexibilités de consommation d’électricité | RTE

L’absence remarquée du numérique

Le GIMELEC s’étonne par ailleurs de l’absence de l’enjeu du numérique dans les documents soumis à la consultation. Pourtant, le numérique est aujourd’hui partout et la totalité des sujets évoqués par les différents documents soumis à la consultation est concernée. Il est de plus en plus structurant pour la société en général et le monde de l’énergie en particulier.

Cette place grandissante crée une inquiétude difficile à objectiver. En effet, la quasi-totalité des études menées, qu’elles soient publiques ou privées, se focalisent exclusivement sur les impacts environnementaux négatifs engendrés par le numérique en occultant ses effets bénéfiques. Face à cette carence et certaines peurs parfois irrationnelles, le GIMELEC constate un foisonnement en France d’initiatives de régulation souvent peu cohérentes entre elles qui génère une certaine réticence à s’appuyer sur ces solutions numériques.

Sans l’apport du numérique, les objectifs des prochaines PPE & SNBC ne pourront être atteints : ces dernières constituent une opportunité de définir une stratégie publique intégrée « énergie & numérique » permettant la croissance numérique pour tous, dans une empreinte écologique réduite.

La formation & l’attractivité des métiers de la transition énergétique

Face à l’ampleur des enjeux de décarbonation et d’électrification, le GIMELEC considère qu’un engagement fort et volontariste des pouvoirs publics est souhaitable et nécessaire, et ce à deux niveaux.

  • D’une part, l’État et le gouvernement en particulier partagent avec les acteurs de la filière l’enjeu commun de faire connaître les métiers techniques de l’électrification et de la décarbonation, notamment ceux liés d’une part aux réseaux électriques et d’autre part au pilotage énergétique et numérique des bâtiments), de lutter contre la méconnaissance de ces métiers ainsi que de mettre en lumière les parcours de formations associés. Une campagne de communication institutionnelle massive autour de ces métiers (électricien, “energy manager”, data analystes, technicien de maintenance, etc.) sur le modèle de ce qui a pu être fait pour les métiers militaires ou de l’enseignement, traduirait de manière concrète l’engagement de l’État dans l’accélération de la décarbonation et de la transition énergétique ;
  • D’autre part, l’Éducation Nationale doit aussi faire sa part très en amont des choix d’orientation en promouvant auprès des forces vives de la nation l’enseignement scientifique et technique, dès les classes de collège. En effet, c’est bien avec cette tranche d’âge des 11-14 ans que s’installent les imaginaires collectifs vis-à-vis des métiers et que se jouent la naissance d’éventuelles vocations. Incidemment, faire du collège la cible permet aussi de s’adresser à un public féminin, qui représente un axe de développement crucial pour l’augmentation des viviers de recrutement et la transformation de l’image des métiers du secteur.

 


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